Pourquoi le kérosène des avions n’est-il pas taxé ?

12 février 2019

Tandis que les automobilistes acquittent diverses taxes sur les carburants et que la SNCF paie de taxes sur l’électricité, les compagnies aériennes bénéficient quant à elles d’une exonération totale de taxes sur les carburants utilisés dans les trajets internationaux. Un statut fiscal particulier qui fait aujourd’hui débat mais qui s’appuie d’abord sur des considérations techniques.

 

Le kérosène, carburant le plus polluant. 

Carburant extrait du pétrole comme le gazole et l’essence, le kérosène est principalement utilisé dans l’aviation. De ce fait, il présente quelques particularités physiques liées aux conditions dans lesquelles il est utilisé.

Première spécificité, les moteurs d’avion sont soumis à des températures très faibles en altitude (-55°C en moyenne). Le kérosène présente la particularité de ne pas geler jusqu’à -47°C. 

Pa ailleurs, le kérosène contient plus d’énergie que les autres carburants, ce qui permet d’en embarquer un moindre poids. Ce rapport énergie/poids embarqué est très important car l’avion consomme environ 30% de kérosène pour transporter le kérosène dans les soutes. Le pilote de l’avion part avec la quantité de carburant calculée en fonction de la distance à parcourir, de la charge embarquée et des conditions météorologiques. Cette richesse en énergie en fait un carburant polluant au regard du changement climatique. Avec une émission moyenne de 285 grammes de CO2 par kilomètre et par passager, l’empreinte carbone d’un avion est 20 fois plus importante qu’un train (14 g de CO2/passager/km) et 5 fois plus qu’une voiture moyenne (55 g de CO2/passager/km). 

Enfin dernier avantage, sa “simplicité”. Un avion effectuant par définition de longues distances, il faut pouvoir le ravitailler en kérosène partout dans le monde, que ce soit en Asie, aux USA ou en Afrique. Le kérosène est un produit pétrolier peu raffiné et facile à produire quelle que soit la raffinerie.

En comptant environ 1 vol par seconde à l’échelle mondiale, le transport aérien contribue à 3% des émissions globales des gaz à effet de serre, un chiffre qui devrait augmenter au regard de la forte expansion du trafic aérien.

 

Et pourtant c’est le seul carburant exonéré de taxes. 

Paradoxalement, le principe « Pollueur-Payeur » ne s’applique pas à l’aviation. La Convention de Chicago, signée en 1944 et adoptée à ce jour par 191 pays, interdit en effet la taxation sur le kérosène. Cette convention, signée au sortir de la 2nde guerre mondiale, avait pour but de favoriser le développement du transport aérien, encore balbutiant à l’époque. Pour éviter des “effets de bord” c’est à dire que certains pays soient plus compétitifs que d’autres grâce à un ajustement des taxes, il a été décidé d’exonérer complètement le kérosène de taxes. A l’époque le phénomène du changement climatique commençait à être un peu mieux cerné mais ce n’était pas un sujet “grand public”

En France, le kérosène n’est donc pas soumis à la TVA pour les liaisons internationales, ni à la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques). La seule exonération de TICPE réduit de 12% le prix des billets d’avion !

Quid des vols intérieurs ?

L’accord de Chicago ne s’applique pas aux vols nationaux. Les États-Unis, le Brésil, le Japon, et la Suisse, la Norvège ou encore les Pays-Bas ont ainsi décidé de taxer le kérosène sur leurs vols intérieurs.

En France, le débat est ouvert. Taxer les vols intérieurs permettrait à l’État d’engranger quelque 310 millions d’euros par an selon une étude du ministère de la transition écologique, voire plus en fonction du niveau de taxation ( cf. étude Réseau Action Climat).

Pour autant, dans un pays bénéficiant d’un réseau ferroviaire efficace pour les liaisons entre métropoles régionales (Lille, Paris, Marseille, Lyon, Bordeaux, Nantes, …) les vols intérieurs représentent seulement 4% du trafic selon Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique.

fumée d'avion liée au kérosène

Des taxes spécifiques à l’aéronautique.

Le transport aérien français n’échappe toutefois pas à la règle de la taxation française et européenne : taxe d’aéroport, redevance d’atterrissage, taxe de l’aviation civile, taxe de solidarité, taxe sur les nuisances sonores, taxe sécurité…

A travers ces charges diverses, le secteur aéronautique finance quasi-intégralement le coût de ses infrastructures ainsi que la sécurité dans les aéroports. « Quasi », car il faut tout de même noter que les aéroports régionaux bénéficient de subventions publiques pour équilibrer leurs budgets.

Du kérosène plus vert ?

Consciente de son impact fort sur le changement climatique, l’industrie aéronautique mène depuis de nombreuses années des travaux de recherche avec les pétroliers pour pouvoir utiliser des carburants moins polluants ou plus renouvelables.

Toutefois, contrairement aux transports terrestres, les tests sur les carburants en matière de transport aérien sont extrêmement exigeants pour éviter toute mauvaise surprise qui conduirait fatalement à des décès. Un avion qui tombe en panne de moteur a de grandes chances d’atterrir dans des conditions peu propices à la sauvegarde de l’engin et de ses passagers.